"wink, wink" | raph.

écrasé dans le fond de tes voies respiratoires. traumatismes des urgences au secret bien enfouit. on ne se questionne plus, maintenant lorsque maman disparaît. on sait qu’elle reviendra modeler ses fesses ramollies sur le canapé et s’y laissera mourir à chaque respiration criarde. les poumons en miettes. la résistance à genoux. cette visite qui te brûle les sinus. du plus tard dans les étoiles jusqu’au plus tôt des rayons.
agression temporelle sur tes iris océaniques que tu bloques d’une paume de main tendue. la brise qui secoue les bouclettes assombries. le silence de tes pensées parmi les sirènes qui ne cessent de beugler. et tu longes le bâtiment pour t’enfoncer dans la ville. l’haleine massacrée par la veillée fêtarde. le teint grisonnant dans les maladies amères. y’a deux univers qui se sont fracassés en toi. et y’a le vide astral à tes pieds.
vers où aller. que faire. voir une journée s’éterniser dans des draps sous une fatigue trop importante ? divaguer dans la ville pour t’accrocher à l’âme la plus solitaire et en soutirer une expérience agréable ? t’en savais trop rien. à peine la dixième heure de la journée éclairait ton écran et tu t’arrêtes. t’avais l’impression de pouvoir respiré. essoufflé d’une course depuis de nombreuses heures égarées dans tes souvenirs.
tu glisses ton doigt sur tes contacts. sur ton calendrier. sur des applications amplis d’individus rencontrer une fois, un jour, une nuit de trop. t’avais besoin de paroles. de présence. mais de silence. le juste milieu qu’une seule personne est parvenue à maîtriser dans les deux dernières années. surement tout à voir avec son métier, plus que ses qualités humaines. t’étais loin d’être placé pour te questionner sur l’homme en question.
alors que d’un mouvement d’un automatisme presque irrégulier tu appuies sur le numéro. la sonnerie retentit, sans jamais que tu ne la porte à ton oreille. tu chasses l’appel, aussi rapidement que tu ne l’eus composé. tu lèves les yeux, déjà éloigné dans ces quartiers trop peu visités. ta main qui se perd contre ta nuque, une vague de doute qui déferle sur ton épiderme.
un frisson et tu t’arrêtes officiellement. tout ton corps qui se glisse sur le bois encore humide de la rosée. et d’un inconscient presque alarmant, un texto s’envoie à la même personne.
« le lac est p’t’être artificiel.
mais pas ce qu’il y a dans mon pantalon.
-wink wink-.
si t’as la journée d’libre.
tu sais où me trouver. »
envoyé plus rapidement que ton âme ne peut réagir. le sourire en fond de trame. une seule seconde te permet de réfléchir à ta bêtise dans laquelle tu t’étais plongé. l’eau devait sûrement être un peu moins refroidissant que l’anxiété qui émanait de ce manque de professionnalisme. et d’un cliché soupçonné, tu répliques à une vitesse ahurissante.
« wrong number. »
yeah right. et y’a ton visage qui se cogne sur ton écran, les yeux clos. tes dents qui s’attardent à tes lèvres encore goûteuses de regrets et d’alcool. tu poses ton téléphone portable sur le banc et ton regard se perd dans cette tranquillité jamais expérimentée. les sons émanant d’une nature parfaite. tes épaules qui se détendent au battement des oiseaux. tu frottes ton visage de la paume de ta main que tu arrêtes sur ta mâchoire. coude soutenue par ta seconde main, croisée sur ton torse à la respiration posée. tes yeux qui se ferment dans le jour. les minutes qui se chevauchent.

journée qui commence plutôt tranquillement, pas vraiment agitée, quelques rendez-vous, mais tu as vu pire. tu vas avoir le temps de te consacrer sur des projets plus personnels, étude qui traîne depuis quelques mois déjà sur un fiche word ou excel.
tu as déjà eu une longue discussion avec une de tes patientes régulièrement ce matin. et tu es plutôt content de ce rendez-vous, ça a l'air d'aller de mieux en mieux pour elle, c'est important. et il y a parfois des patients que tu aimerais ne plus voir, synonyme d'une meilleure période dans leur vie. mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. il doit être aux alentours des dix heures, tes doigts glissent contre le clavier de ton ordinateur - marque à la pomme bien trop connue - quand ton téléphone vibre sur le bois massif de ton bureau. tu y glisses un regard interrogateur, avant de finalement déverrouiller l'appareil, tombant sur un prénom bien connu, aux multiples soucis.

pas le temps de lire que ton téléphone vibre une seconde fois, message arrivé dans la foulée, soit disant une erreur, mais tu es de ceux qui ne croient pas beaucoup aux coïncidences. ou aux faux numéros. tu relis les mots à plusieurs reprises, te surprends à penser ce qu'il peut bien se passer dans la tête du jeune homme. et tu te surprends à avoir envie de te rendre jusqu'au fameux lac, pour voir de quoi il en retourne.
est ce que c'est raisonnable ? sans doute pas, non.
et pourtant, c'est ta curiosité qui parle. il y a bien quelques mois que tu trouves un intérêt tout particulier à wolfgang. cette envie de l'aider à aller mieux, d'en savoir un peu plus à chaque fois. mais il n'est pas très loquace. tu ne devrais pas t'impliquer autant, et tu le sais.

un soupir manque de t'échapper, assit derrière ton volant et non loin du lac, tu te demandes encore si c'est une bonne idée ou non. peut-être que c'était réellement une erreur de sa part, même si tu y crois peu. pas venant de la part du jeune homme. tu secoues un peu la tête de gauche à droite, termines par sortir de l'habitacle pour faire claquer la portière derrière toi.
silhouette qui se dessine non loin, échouée là sur un banc. tu t'avances un peu, les pans de ton manteau agités par le léger vent. tu jettes un coup d’œil à l'heure. ça fait bien une heure, depuis que ton téléphone à vibrer. tu t'avances encore, encore un peu, doucement. comme si se tenait là une bête féroce, à ne pas brusquer. c'est peut-être bien le cas.
je ne sais pas à qui était destiné ce message, mais visiblement, cette personne n'a pas daignée se déplacer. et toi tu l'as fais à cause de ta curiosité. c'est moche. vraiment pas sympa. tes chaussures rencontrent finalement la terre, dans quelques pas de plus en direction du banc. ta main vient glisser contre le bois de ce dernier, et c'est un très léger soupir qui glisse d'entre tes lèvres. tu ne sais pas franchement ce que tu fais ici. peut-être qu'il va pouvoir t'éclairer là-dessus, wolfgang.

l'éveil ne devient que futilité. le système néanmoins alerte au mieux de sa capacité, aux dangers imminents. bercé par une vie trop longtemps rejetée. par peur d'oubli. de solitude. peut-être ton état intérieur nécessitait cette recharge. loin de la ville et de son hypocrisie palpable. à se demander si ton quartier ne t'as pas bâtit de la sorte. ou s'il s'agissait d'une décision personnelle. quoi qu'il en soit, tu n'étais plus en état d'y penser. les rêves euphoriques ayant depuis longtemps emprisonné ta conscience endormie.
y'a ton corps qui commence à glisser. vers le bas et sur le côté. tes bras qui se sont croisés. l'air qui circule sur ta nuque brisée vers l'avant. une veillée d'enfer. une nuit bordélique. un matin échappé. pas étonnant que tes batteries étaient complètement déchargées. au point de donner l'image d'un sans-abri sur un banc de parc. les cheveux à moitié dans le vent, à moitié écrasés par la vie. t'avais l'impression que le sol se dérobait. que le banc fuyait. une sensation de vide inexplicable qui te clouait sur place. qui secoua ta respiration. qui ravala ton angoisse.
et tes yeux s'ouvrent dans un sursaut déstabilisant. entre une voix que tu perçois à moitié et un retour à la réalité beaucoup plus brusque qu'espéré, tu poses ta main sur les planches du banc en pivotant la tête vers la gauche, puis la droite. un oubli momentané de l'endroit où tu t'étais installé. goût pâteux à l'arrière de la langue. et ton regard bleuté se bute contre la silhouette de cet homme. de ce mirage absolu. de cette décision niaise. tes épaules relevées s'écrasent lorsque la tension de l'incompréhension se dissipe. et qu'une vague de calme s'infiltre dans ton système. tes muscles se détendent de nouveau, te permettant un soupire dissimulé dans deux mains qui frottent ton visage encore crispé par le sommeil. le manque de.
et puis y'a la réalisation qui te frappe. il est là. et sans même avoir opter pour la moindre réponse, tu écartes lentement les doigts avant de le regarder. l'épier. d'une manière plus franche. plus éveillée. il est là, que tu te répètes. et y'a ta pensé qui se voit déstabilisée. tu fais quoi, là, maintenant ? c'est un sourire qui teint tes lippes. puis un rire que tu ne caches derrière aucune barrière. « et visiblement, tu as répondu à l'appel du booty. » tu le savais, que ce n'était pas une manière de parler. de lui parler. mais y'a ton âme encore coincée dans une fête qui ne s'est jamais officiellement terminée. tu prends un moment, avant de te déplacer d'une fesse. pour lui faire place. peut-être. tu doutais qu'il se soit présenté suite à ce texto déplacé simplement pour te glisser ce commentaire et disparaître dans le jour.
un regard vers ton corps et la paume de tes mains tentent de défroisser ton chandail à manche courte. et d'un coup, tu te questionnes sur l'abandon de ton manteau. où. et la température matinale. t'allais faire comme de rien. parce que t'es comme ça.
« j'ai peut-être omis d'envoyer le texto à la bonne personne par la suite. shit happens, right ? » y'a ton sourire qui ne voulait pas s'envoler vers les cieux. toujours implanté sur un visage qui répondait très mal à cette émotion. comme si tes yeux voulaient exprimer autre chose.
tes coudes rejoignent le dossier du banc, ce qui te permet de t'appuyer plus confortablement vers l'arrière. le torse qui se bombe dans une respiration creuse. tu te rends compte à quel point la brise matinale et la bruine de la rosée était désagréable sur ton corps. et alors que tu n'envisageais rien pour ta journée. y'a les rayons d'une présence fortuite qui viendra assurément régularisé ton tempérament. Raph. il a ce don que tu ne sais déchiffrer.

tu pourrais rester là longtemps. silencieux, pas vraiment à ta place en tant que voyeur, à observer le jeune homme qui semble s'assoupir que fil des minutes. dure nuit ? que tu as terriblement envie de demander, ne sachant pas si la totalité de la réponse pourrait te convenir, ou mieux encore, te plaire.
tu ne devrais pas te poser ce genre de questions,
ne devrais pas imaginer une réponse ou une autre,
ou bien même les raisons de son état,
de l'alcool coulant dans ses veines.
un léger soupir t'échappe, avant que ta voix ne traverse l'air ambiant, faisant sursauter le plus jeune. tu fronces un peu les sourcils, laissant le silence retomber, tes mains enfoncées au fond de tes poches tandis que tu t'avances un peu, de quelques mètres supplémentaire, le regard pâle se faisant voire entre les doigts fins du brun, glissés contre les traits de son visage. et visiblement, tu as répondu à l'appel du booty. sourire sur le coin des lèvres, tu lèves les yeux au ciel, amusé. tu lui as tendu la perche, en même temps. tu tournes la tête vers le jeune homme, qui se déplace un peu, sans doute pour te laisser une place à ses côtés. pour l'instant, tu préfères sortir ton paquet de cigarettes pour en glisser une à tes lèvres. et qui te dit que le booty en question puisse m'intéresser ? tu demandes, amusé par la situation. tu cherches un peu la merde.

tu tires doucement sur le tube de goudron, fermant les yeux un bref instant, venant finalement t'asseoir, non loin du loup, sur le petit banc rafraîchit par l'air ambiant. mais comment fait-il pour ne pas mourir de froid, un simple haut sur les épaules ? tu te mords l'intérieur de la joue un bref instant. j'ai peut-être omis d'envoyer le texto à la bonne personne par la suite. shit happens, right ? tu hoches la tête, légèrement penché en avant, coudes reposant sur tes genoux, tandis que ton regard se perd sur l'étendue artificielle.
le silence retombe. et tu te retiens,
te retiens si fort, de lui demander à quoi il pense.
vous n'êtes pas en consultation. loin de l'être.
peut-être que c'est ce qu'il veut ? tu n'en sais strictement rien. la cigarette tourne entre tes doigts, et tu tournes finalement la tête vers wolfgang. qu'est-ce qui t'as amené ici ? que tu demandes finalement, comme n'importe qui pourrait le lui demander (non.)
une personne totalement étrangère à tout ça. (encore moins.)
tu te grattes la joue du bout des doigts et retiens un petit soupir face au jeune fougueux. c'est calme. tu ne peux t'empêcher d'ajouter. c'est peut-être ça qu'il est venu chercher, finalement. la tranquillité, le calme. tu te pinces les lèvres un instant, et retiens un léger soupir. qu'est-ce qui vous amène réellement ici ? tu n'en as aucune idée.

il y a ce son si particulier qui se bute contre tes tympans. qui s'infiltre tout doucement tel un venin autour de tes nerfs. la saveur qui te revient comme un souvenir contre ton palais. une tige unique, consommée à outrance. et il y a même ton regard qui suit la mise à nue de cette cigarette. une part de ton âme te supplie de lui en demander une. de la plus grande politesse que tu pouvais fournir. mais ta langue roulait et les mots ne firent qu'alimenter ton regard, à défaut de ne pas s'enfuir de leur cage.
alors tes mains se glissent de nouveau sur ton corps. les poches de ton pantalon vide de tout sens. quelques billets froissés rejetés par les machines distributrices de l'hôpital. mais pas l'éternel contenant en carton avec en son coeur l'addiction la plus simple. tu te stabilises en attrapant ton téléphone près de ta cuisse. faisant mine que c'était ce que tu cherchais. et il y a une moue qui ne tarde à s'afficher. une fierté rafistolée à son commentaire. tu ne laissas même pas la réflexion te tenir en haleine. « il est source d'intérêt pour tout le monde, ce booty. » c'était un sourire d'annonce, que tu arborais. le sourire des vainqueurs. dentition plus blanche. passé sous les programmes de retouches. le rictus se coinça dans ta gorge, s’exhalant seulement par ton nez.
la paume de tes mains, étonnamment encore tiède passa sur le haut de ton bras, jusqu'à ton poignet. la chair de poule gagnait du terrain et tu réprimais le moindre frisson qui voulait se mêler de la partie.
soit fort, continue de faire semblant.
le masque qui persiste, pourtant les mots qui faiblissent.
alors tu optes pour un raclement de gorge. parce que tu n'allais pas parvenir à répondre à sa question. toi qui fuyait ces moments de tranquillités, tu te demandais encore pourquoi tu t'étais posé sur ce parc. dans l'espoir de... ? tous les éléments du moment s'éloignent de tes ambitions. inconsciemment, tu te retrouvas un peu dans la même position que lui. « tu sais, doc ? » même au bout d'une deuxième année de professionnalisme, sans parler des rencontres singulières avant-coup, t'avais du mal à l'appeler casually. Raphaël. Raph. des sons suaves entre tes lèvres. « parfois j'me dis que tes questions...elle te concerne davantage qu'à moi. » l'ombre d'un sourire qui tapisse tes lippes et qui disparaît aussi rapidement qu'apparu. tu l'avais regardé, dans ton silence. des silences qui font échos. qui se parlent. mais tu t'intéressais surtout à.
la cigarette. cigarette que tu convoites encore. que tu vois se ternir entre ses doigts. rouler avec désintérêt. alors, avant de poursuivre, tu tends ton bras adjacent à son corps. « tu permets ? » et avant même d'attendre une réponse qui aurait pu être défavorable pour toi, tu avais attrapée la tige cancéreuse pour aspirer un écran de fumée que tu gardas pour toi, plusieurs secondes. et dans un soupire,  ta main se tendit vers lui pour lui redonner son dû.
tes doigts grattèrent ton crâne. tes pensés visiblement brouillés par une substance qui n'a pas encore quitté ton système. tu avais tourner la tête pour le regarder. parce que le lac devenait ennuyant après quelques secondes. mais son visage te réservait toujours des surprises que tu voulais effleurer. tu l'épis peut-être trop longuement. mais le malaise, tu ne le sens pas. « c'est un bel endroit pour s'amouracher, pas vrai ?  » et c'était une parole en l'air. lancée sans ancre. pour soutirer une réaction. pour ne pas te perdre dans une personnalité qui t'effraie.

tu te pinces brièvement les lèvres. tu te demandes à quel moment il va te demander une cigarette, ou un quelque chose dans le genre. tu tires doucement sur le tube de goudron. il est source d'intérêt pour tout le monde, ce booty. tu laisses un léger sourire se dessiner au coin de tes lèvres.
t'es amusé par sa confiance, ouais, par son sourire colgate.
tu ne doutes vraiment de rien. tu souffles, haussant les épaules, venant finalement t'asseoir non loin du brun, le cul posé sur le banc. une main glisse contre ton visage, tu coinces la cancéreuses entre tes lèvres, observant le lac face à toi. face à vous.
tu recraches la fumée dans l'atmosphère, un léger soupir sur les lèvres, quelques questions sur ces dernières. tu ne peux pas t'en empêcher, t'es comme ça, tu veux savoir. il t'intrigue, wolfgang. t'as envie de savoir ce qu'il se passe dans sa tête, à quoi il pense, à quoi il pensait en t'envoyant ses messages. qui n'étaient destinés à personne d'autre. tu n'es pas complètement con non plus. tu sais, doc ? parfois j'me dis que tes questions... elles te concerne d'avantage qu'à moi. tu tournes un peu la tête, haussant les épaules. si tu le dis. tu te contentes de souffler, fermant les yeux un bref instant, nicotine dans les poumons, soupir au bord des lèvres.

il craque finalement, se redresse un peu, quand tu fais rouler ta clope entre tes doigts. tu aurais dû jeter un coup d’œil à ta montre, quand tu l'as allumé. tu permets ? tu n'as même pas le temps de répondre, que le tube se retrouve entre les lèvres du loup. bien évidemment. tu souffles, presque sarcastiquement, récupérant ta cigarette en haussant les épaules l'air de rien.
qu'est-ce que tu t'en fiches qu'il te pique ta clope.
tu sors ton paquet de ta poche, te contentant de le lui tendre. on sait qu'une taffe ça suffira pas. tu te contentes de souffler. tu fumes depuis des années déjà, tu l'sais bien. et il doit pas mal les enchaîner aussi, les cigarettes. le silence retombe, doucement, lourdement, sur vos épaules. le vent se lève, pas très violent, mais pas très chaud non plus. tu coules un regard vers le plus jeune, croisant brièvement le sien.
depuis quand est-ce qu'il était là, à t'observer ?
c'est un bel endroit pour s'amouracher, pas vrai ? tu arques un sourcil interloqué, haussant vaguement les épaules à ses mots. si tu le dis. que t'as envie de répondre face au brun. parle pour toi. tu te contentes de répondre en haussant un peu les épaules, un petit sourire sur le coin des lèvres, taquin. un peu trop sans doute, tu n'en sais rien. la limite semble si floue. entre le professionnel et la familiarité.
tu secoues un peu la tête, n'ayant pas envie d'en parler plus que ça.

ce serait mentir avouer que les futilités heureuses qui étiraient les traits de ton médecin n'éveillaient pas une satisfaction à quelque part dans ta poitrine. pas que tu ne l'apercevais jamais sourire ni émettre des réactions sensibles à une plaisanterie. mais c'était l'impression de réussite dans tes mots. la satisfaction de faire réagir un public. peu importe la réaction encourue. la comédie. pure et simple.
étonné, mais pas tant que ça, de voir le cancer en boite se tendre dans ta direction, tu délogeas le produit de sa main pour le creuser dans la tienne. tu ne te laisses pas prier pour y tirer le nécessaire et de décorer tes lèvres de cette laideur. tant de cauchemars où tu apercevais le goudron te couler de la bouche. inspirer le liquide brûlant jusqu'à te sentir dépérir. peut-être est-ce un message ? tu déposas le paquet contre la cuisse de l'homme, dans un commentaire peut-être exagéré, mais tant véridique. « dix ne suffiront pas, non plus. » et à cette phrase, t'imaginais le cancer te mordre les poumons.
il ne t'a jamais été permis de passer plusieurs minutes en un tête à tête incontrôlé avec cet homme si particulier. toujours une relation d'analyse et de réactions. une conversation à un sens. des questions. des réponses. des silences. parler de la pluie et du beau temps, c'était loin d'être votre sujet de prédilections. toi. que toi. et t'avais finalement la possibilité d'enlever ce poids de tes épaules.
alors que tu te lèves. les os brutalisés par ce geste. plainte de certaines parties de ton corps élancé. tu souffles un cercle de fumée avant de laisser ta voix couler de nouveau. « en effet. on m'a toujours dit de ne jamais parler pour deux. alors... que penses-tu de cet endroit, malgré le cliché du calme réparateur ? » et t'avais fait un pas vers l'eau. une main dans la poche avant de ton pantalon, un bras qui longe ton corps en son extrémité une cigarette déjà presque oubliée. « et surtout...» il y a ta tête qui ne tient pas droite. qui s'incline. y'a la lourdeur des dernières heures qui semble s'affaisser sur le haut de ton corps. sur ton état d'âme. ton moral. mais le mystère te tient en haleine. toujours. son mystère. alors en pivotant vers lui, le corps de nouveau droit, tu tentes de prendre un contrôle qui ne t'as jamais été offert, avec lui. « qu'est-ce qui t'amène ici ... » le temps de tirer un peu plus de cette fumée. « Raphaël ? » le point final. qui t'agresse d'un frisson.
tu souffles. réaction physique infortunée que t'aurais voulu éviter. mais tu es humain, que tu pousses à prouver le contraire, ou non. tu pinces la cigarette entre tes lèvres après avoir laisser la cendre joindre la verdure humide et tu reviens vers lui. l'intensité de ton regard s'étant transformé en arme de recherche. comme si en regardant au loin, tu retrouverais ta carapace. tu te frottes un bras, glissant tes doigts sous l'une de tes manches pour t'assurer que ta chaleur corporelle n'était pas entièrement déréglée. « je ne sais même pas, entre le paradis ou l'enfer, où j'ai égaré mon manteau... » parce que même s'il se doutait que ta soirée s'est éternisée dans une fête. peut-être même qu'il te restait quelques brillants sur l'humidité de ta peau. tu ne pourras jamais te plier à préciser que ta mère elle, s'éternise à l'hôpital. et peut-être pendant un instant, tes traits courbèrent vers le bas dans un élan de blessure émotionnelle. sûrement pas parce que tu ne trouvais plus ton bien. et tu te frottes le visage.
et t'espérais que son regard s'était détourné.
le temps que tu ravales tes sentiments.

t'observes le brun, de longues secondes, tandis qu'il ne s'est pas gêné pour récupérer la cancéreuse entre tes doigts. ça t'aurais énervé, si ça avait été n'importe qui d'autre. un de tes frangins, n'importe qui. ouais, ça t'aurais sans doute énervé. mais étrangement, pas maintenant, pas quand il s'agit du jeune homme. tu ne saurais dire pourquoi. et tu viens même lui tendre ton paquet. dix ne suffiront pas, non plus. tu hausses un peu les épaules. une sera mieux que rien, alors. tu te contentes de souffler face au jeune homme. mieux que rien, ouais. fumer, c'est vraiment d'la merde. mais c'est pas faute d'avoir essayé d'arrêter. t'as pas mis longtemps avant de craquer, toi.

le silence retombe sur votre conversation. il pourrait être long, lourd, mais il ne te semble pas l'être tant que ça, étrangement. tu glisses une main dans tes cheveux, éloignant une ou deux mèches de ton front, et ton regard se pose une nouvelle fois sur l'horizon artificiel crée par le lac. le vent souffle, doucement, mais il n'en est pas moins froid. tu fermes les yeux un instant. en effet. on m'a toujours dit de ne jamais parler pour deux. alors... que penses-tu de cet endroit, malgré le cliché du calme réparateur ? tu tournes un peu la tête vers le brun, l'observant de longues secondes. tu tires doucement sur le reste de la cigarette. j'ai beaucoup de souvenirs de famille ici. que tu réponds avec calme.
les premières longueurs d'ash. l'alliance de tes deux cadets pour te forcer à terminer à l'eau. des conneries d'adolescents. tout ça et des premiers baisers, des premières caresses, des mots soufflés et envolés au vent, ne s'attardant pas. et surtout... qu'est-ce qui t'amène ici ... raphaël ? ton prénom glisse d'entre ses lèvres et ça te fait te redresser un peu, l'observer de longues secondes. tu ne sais pas si tu l'as déjà entendu prononcer ton prénom entier. ça ne devrait pas faire remonter une douce sensation le long de ta colonne vertébrale. tu te pinces brièvement les lèvres. une certaine curiosité. que tu te contentes de répondre.
parce que ce n'est pas totalement faux
pas totalement vrai non plus,
mais qui sait, ou est-ce qu'elle te mènera cette curiosité ?
à ta perte.

ton regard glisse à la rencontre de celui du loup, et tu l'observes de longues secondes, à glisser une main glaciale sous son haut. ça te file froid rien que d'le regarder, bordel. je ne sais même pas, entre le paradis ou l'enfer, où j'ai égaré mon manteau... un soupir glisse sur tes lèvres, le jeune homme se courbe, et tu laisses tes prunelles glisser un instant encore sur sa peau, avant de s'éloigner avec pudeur, tandis que tu te lèves à ton tour, cendres éteintes sur le banc déjà cramé, mégot coincé entre tes doigts.
dose de nicotine qui circule dans l'sang, mais combien de temps encore avant d'atteindre le seuil critique ? déchet déposé là, un peu plus loin, dans une poubelle intelligemment placée. tu t'approches un peu, quelques pas, rien d'plus. de quoi laisser ton manteau glisser sur tes épaules, venir rejoindre celles du brun. la situation marque ridiculement votre différence de taille. aller, quoi, dix, quinze centimètres ? t'es pas très grand, tu l'sais bien. ça t'éviteras au moins d'choper une pneumonie. que tu souffles.
y'a qu'une simple chemise qui couvre ta peau, mais au moins t'as les bras un minimum couverts. et puis tu sais pas vraiment depuis quand il est là, le plus jeune. pourquoi est-ce que tu cherches à te justifier tout seul ? tu manques un soupir, effacé par un coup de vent.